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LE VIGNERON DANS SA VIGNE

andains de la même largeur, et non de finir son ouvrage avant de l’avoir commencé.

Il ne laisse pas un seul gendarme, c’est-à-dire un seul brin d’herbe debout, échappé à la faux.

Je le vois de loin qui avance à petits pas glissés, la jambe droite pliée, la gauche presque tendue et un peu en arrière. Ses sabots, où il a les pieds nus, marquent deux raies parallèles. Il trace un chemin si propre que, tout à l’heure, on passera ce lac d’herbes profondes à pied sec.

La faux coupe de droite à gauche, d’un trait rapide et sûr, puis elle revient, la pointe levée et du dos caresse l’herbe suivante qui va tomber.

Tantôt elle siffle, légère, tantôt elle grince et çà et là, par le pré, de grandes herbes frissonnent d’inquiétude, et brusquement elle a le hoquet sur un caillou.

Philippe s’arrête, tâte la lame du doigt et l’affile avec une pierre à aiguiser qui lui pend sous le ventre dans un cornet de bois. Et maintenant il se ferait la barbe !