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tout un roman

» Mais elle continuait ses explications. Elle désirait faire savoir au jeune homme qu’une inconnue l’aimait ardemment, — une inconnue qui n’avait pas le droit de se dévoiler parce qu’elle n’était pas libre, mais dont l’amour avait trop de force pour rester muet.

» Ainsi, pendant un an j’ai dactylographié, d’après les brouillons de la pauvre petite Angèle, des lettres de plus en plus longues, de plus en plus fréquentes, sur du beau papier couleur de perle, et parfumé.

» Paul ignorait qui lui écrivait. C’était signé « votre inconnue ». Je ne saisissais pas toujours ce qu’Angèle voulait dire ; mais je trouvais ses lettres admirables, et surtout… Ah ! mon­sieur, voyez-vous, je suis trop simple pour démêler tous les « pourquoi » de l’aventure. Il y a peut-être à tout ceci plus de causes que je n’en distingue. Bref, à force de lui écrire si amoureusement, je suis devenue amoureuse de Paul, sans le connaître. Un homme capable d’inspirer de telles… enfin de telles choses, ne pouvait être qu’un grand homme…

» Et tout à coup, Angèle est morte. Alors, voyez-vous, l’idée, l’idée que le pauvre garçon ne recevait plus ce qui, je le savais, était devenu la joie de sa vie, — cette idée-là, je fus incapable de la supporter…

» Continuer à lui écrire, moi, il ne fallait pas y songer. D’ailleurs, nous nous étions rencontrés