Aller au contenu

Page:Renard - Le carnaval du mystère, 1929.djvu/94

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
86
le carnaval du mystère

qu’elle fût sans cavalier quand Bobette avait le sien.

Touchante petite Christiane ! Elle cousait comme une fée, disait-on. Carabosse de vingt ans, à la voix de Polichinelle. Douce créature résignée, dont tout le haut du corps se tassait comme par suite d’un affreux écrasement. « Christiane » ; elle avait reçu, en compensation, ce noble nom marqué au chiffre divin et que l’on peut porter comme un scapulaire. « Christiane » ; nous ne l’appelions jamais d’un diminutif quelconque. Elle était de celles qu’on s’attache à ne pas diminuer ; même d’un mot, tant elles sont déjà peu de chose.

Lulu, Bobette, Mady — et Christiane aussi — que vous étiez gaies, ce soir-là ! Et quelle bande de fous nous faisions, tous les huit, avec les deux Fournial et le tendre Pagirel ! C’était un beau samedi de fête. La foire battait son plein, dans les éblouissements, les musiques énormes, les girations et les bascules, les cris, les rires, les rugissements des fauves et le tocsin subit de cloches inquiétantes. Nous allions sous la nuit poudrée d’embrasements, fendant la foule lente, nous tenant par la main, grisés de jeunesse et d’insouciance ! Nous avions chevauché la ronde étincelante de plusieurs « manèges », fait claquer les carabines du Tir International, glissé dans la gouttière du toboggan. Les gens nous regardaient avec complaisance. Lulu