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UN GENTILHOMME PHYSICIEN

l’avait d’abord désigné à l’éloignement de nos camarades ; sa personne, au surplus, ne provoquait pas les avances. Il était beau, certes, mais singulièrement, d’une beauté à la fois cruelle et archangélique. Sa mine était toujours d’un séraphin courroucé, d’Azraël en un mot, l’Ange Exécuteur. Il devait garder jusqu’au déclin de l’âge mûr ce visage d’éphèbe et cette expression justicière qu’il offrait à nos yeux de vingt ans ; devenu sexagénaire, il semblait être encore ce qu’il était dans ce temps-là : un jeune homme noir et silencieux.

Sans doute faut-il attribuer à la sévérité de ses dehors la déférence inhabituelle et mêlée de crainte qu’il inspira bientôt à chacun de nous et que je ne saurais mieux comparer qu’au respect dont on entoure, à l’accoutumée, ceux qui furent les acteurs d’événements formidables.

Cependant — je ne tardai pas à l’apprendre de lui-même — il n’avait jamais rien perpétré que d’ordinaire, pas plus que nul de ses ancêtres. Leur nom, ajouta-t-il, ne venait pas de quelque vieille aventure fantastique, et