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LE BROUILLARD DU 26 OCTOBRE

— « Oui : le dinothérium, du miocène ! »

Fleury-Moor avait prononcé « miocène » d’un accent indéfinissable. Je le considérai ; je sus qu’il éprouvait une fierté sans bornes à pouvoir déterminer ainsi, d’un clin d’œil, par delà des myriades de siècles, un point dans l’éternité.

Pour moi, le dinothérium me stupéfiait. Manière de baleine terrestre, il n’était pas « à l’échelle » de son entourage. Il semblait dépaysé, bâti pour une création beaucoup plus spacieuse, ou bien pour l’océan colossal. On devinait qu’il n’était plus chez lui sur terre, et qu’il n’avait plus qu’à s’en aller.

Nous eûmes la bonne fortune de pouvoir l’examiner à loisir. Il leva son moignon de trompe vers la retraite des mammouths, hésita, fit demi-tour, et, comme une dévastation, se porta sur l’extrémité du promontoire qui bornait le septentrion. Là, il s’étendit laborieusement et commença de fouir le sol.

Cela durait depuis quelques secondes, lorsque nous avisâmes au-dessus de la mer une volée de grands oiseaux — ou du moins de grandes bêtes volantes — qui se rappro-