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LE BROUILLARD DU 26 OCTOBRE

— « Vous ne savez pas quelle émotion j’éprouve en face de cela, qui est la mer adolescente, — cela, qui est la mer des premiers temps du monde, si proche encore de l’âge primordial où la Terre n’était qu’une mer !… Toute vie sort de là. Rien de ce qui respire et palpite ne vient d’ailleurs que de l’océan maternel qui semble lui-même respirer et palpiter comme une multitude de poitrines fluides… Voici la mer originelle, et la voici tout près de l’origine. Voici l’admirable matrice de tous les êtres, celle que le Français, plus filial, appelle du même nom que sa maman. Voici la mer mère des hommes, qui a déjà le goût des pleurs, le goût du sang et la voix des sanglots.

» Nous aurons eu ce bonheur ineffable de l’entrevoir dans sa jeunesse ! À l’heure qui renaît pour nous, elle vient de terminer son Grand Œuvre. Elle a lâché sur les continents, bien étroits encore, toutes les créatures qui devaient sortir de sa fécondité. L’ère des sauriens est même révolue depuis longtemps. Ils se sont métamorphosés. L’oiseau et le mammifère ont surgi du reptile. Les dragons