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LA CANTATRICE

inouïe et surhumaine, qu’on se demandait en premier si vraiment une gorge mortelle émettait le chant prodigieux, ou si ce n’était pas une étrange voix indépendante, qui vivait toute seule… Mais à l’écouter, non, non : ce soprano caressant révélait une âme féminine, un cœur ardent de jeune fille qui l’exhalait avec un naturel charmant, comme une fleur donne son parfum… À l’écouter, on devinait à sa source une bouche vermeille et des seins blancs qui palpitaient… On frémissait, à l’écouter, ainsi qu’à regarder la fraîcheur d’une vierge trop belle…

Qui donc chantait de la sorte ?… Ma mémoire entendit alors, une à une, les cantatrices fameuses dans l’univers. Je les connaissais toutes. Je crus, un instant, que l’une d’elles nous avait fait la surprise d’accepter ce rôle inférieur. Mais nulle prima donna n’aurait pu rivaliser d’organe ou de savoir avec la fée qui chantait l’oiseau dans la coulisse.

Elle se tut. Il se fit dans la salle un bruissement sensationnel. On consulta le programme. Il ne portait qu’un nom qui fût