— « Et s’il s’est fait raser ? »
Mon interlocuteur sourit encore ; cette fois, c’était sans amertume. L’évocation de mon sosie mystérieux, privé de barbe, semblait le remplir d’allégresse.
— « N’ayez crainte, monsieur le directeur. Il y a des barbes qu’on ne rase pas. — Et merci, vous savez. — C’est, pour ainsi dire, un créancier… qui me traque… »
Il restait songeur devant la mer.
Afin de prolonger l’entrevue et, si faire se pouvait, pénétrer plus avant dans la confiance de ce butor énigmatique, j’aventurai :
— « Vous aimez la mer, à ce que je vois. »
Il émergea de sa rêverie, et ses joues, empourprées, se ballonnèrent. Il souffla :
— « Moi ? La mer ?… Euh… Pourquoi me demandez-vous ça ?… Non, je n’aime pas la mer. Ça pue, hein ? Ça sent la marée. Vous ne trouvez pas que ça sent le poisson jusqu’ici ? Non ? Ce n’est pas ça que vous vouliez insinuer ? Non ?… Moi je trouve ! » Il criait tout à coup, d’une voix menaçante : « Moi je trouve ! Ça sent le poisson ici ! »