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Poil de Carotte

Il s’y décide.

Du matin au soir, une marmite pend à la crémaillère de la cheminée. L’hiver, où il faut beaucoup d’eau chaude, on la remplit et on la vide souvent, et elle bouillonne sur un grand feu.

L’été, on n’use de son eau qu’après chaque repas, pour laver la vaisselle, et le reste du temps, elle bout sans utilité, avec un petit sifflement continu, tandis que sous son ventre fendillé, deux bûches fument, presque éteintes.

Parfois Honorine n’entend plus siffler. Elle se penche et prête l’oreille.

— Tout s’est évaporé, dit-elle.

Elle verse un seau d’eau dans la marmite, rapproche les deux bûches et remue la cendre. Bientôt le doux chantonnement recommence et Honorine tranquillisée va s’occuper ailleurs.

On lui dirait :

— Honorine, pourquoi faites-vous chauffer de l’eau qui ne vous sert plus ? Enlevez donc votre marmite ; éteignez le feu. Vous brûlez du bois comme s’il ne coûtait rien. Tant de pauvres gèlent, dès qu’arrive le froid. Vous êtes pourtant une femme économe.