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Poil de Carotte

— Bonjour, tous ceux qui sont là ! dit l’aveugle.

Il s’avance. Son bâton court à petits pas sur les dalles, comme pour chasser des souris, et rencontre une chaise. L’aveugle s’assied et tend au poêle ses mains transies.

M. Lepic prend une pièce de dix sous et dit :

— Voilà !

Il ne s’occupe plus de lui ; il continue la lecture d’un journal.

Poil de Carotte s’amuse. Accroupi dans son coin, il regarde les sabots de l’aveugle : ils fondent, et, tout autour, des rigoles se dessinent déjà.

Madame Lepic s’en aperçoit.

— Prêtez-moi vos sabots, vieux, dit-elle.

Elle les porte sous la cheminée, trop tard ; ils ont laissé une mare, et les pieds de l’aveugle inquiet sentent l’humidité, se lèvent, tantôt l’un, tantôt l’autre, écartent la neige boueuse, la répandent au loin.

D’un ongle, Poil de Carotte gratte le sol, fait signe à l’eau sale de couler vers lui, indique des crevasses profondes.