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Poil de Carotte

Poil de Carotte s’enhardit, cherche à travers la plante grimpante le visage de Mathilde et la baise sur la joue.

— Ce n’est pas de la blague, dit-il, je me marierais bien avec toi.

Mathilde, comme elle l’a reçu, lui rend son baiser. Aussitôt, gauches, gênés, ils rougissent tous deux.

Grand frère Félix leur montre les cornes.

— Soleil ! Soleil !

Il se frotte deux doigts l’un contre l’autre et trépigne, des bousilles aux lèvres.

— Sont-ils buses ! ils croient que c’est arrivé !

— D’abord, dit Poil de Carotte, je ne pique pas de soleil, et puis ricane, ricane ce n’est pas toi qui m’empêcheras de me marier avec Mathilde, si maman veut.

Mais voici que maman vient répondre elle-même qu’elle ne veut pas. Elle pousse la barrière du pré. Elle entre, suivie d’Ernestine la rapporteuse. En passant près de la haie, elle casse une rouette dont elle ôte les feuilles et garde les épines.

Elle arrive droit, inévitable comme l’orage.