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la pièce d’argent

Las d’errer, d’espérer il ne sait quoi, Poil de Carotte jette sa langue au chat et se décide à rentrer dans la maison, pour prendre l’état de sa mère. Peut-être qu’elle se calme, et que si la pièce reste introuvable, on y renoncera.

Il ne voit pas madame Lepic. Il l’appelle, timide :

— Maman, eh ! maman !

Elle ne répond point. Elle vient de sortir et elle a laissé ouvert le tiroir de sa table à ouvrage. Parmi les laines, les aiguilles, les bobines blanches, rouges ou noires, Poil de Carotte aperçoit quelques pièces d’argent.

Elles semblent vieillir là. Elles ont l’air d’y dormir, rarement éveillées, poussées d’un coin à l’autre, mêlées et sans nombre.

Il y en a aussi bien trois que quatre, aussi bien huit. On les compterait difficilement. Il faudrait renverser le tiroir, secouer des pelotes. Et puis comment faire la preuve ?

Avec cette présence d’esprit qui ne l’abandonne que dans les grandes occasions, Poil de Carotte, résolu, allonge le bras, vole une pièce et se sauve.