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Poil de Carotte

entre eux, cassent leurs boules gonflées de graines.

Pourquoi ? Qu’ont-ils donc ? Et qu’est-ce que cela veut dire ? Il ne tonne pas. Il ne grêle pas. Ni un éclair, ni une goutte de pluie. Mais c’est le noir orageux d’en haut, cette nuit silencieuse au milieu du jour qui les affole, qui épouvante Poil de Carotte.

Maintenant, la calotte s’est toute déployée sous le soleil masqué.

Elle bouge, Poil de Carotte le sait ; elle glisse et, faite de nuages mobiles, elle fuira : il reverra le soleil. Pourtant, bien qu’elle plafonne le ciel entier, elle lui serre la tête, au front. Il ferme les yeux et elle lui bande douloureusement les paupières.

Il fourre aussi ses doigts dans ses oreilles. Mais la tempête entre chez lui, du dehors, avec ses cris, son tourbillon.

Elle ramasse son cœur comme un papier de rue.

Elle le froisse, le chiffonne, le roule, le réduit.

Et Poil de Carotte n’a bientôt plus qu’une boulette de cœur.