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Poil de Carotte

droit au frère aîné ; il l’encouragerait plutôt. Hier, il le méprisait, le traitait de poule mouillée. Aujourd’hui il l’observe en égal et le considère. Il gambade et s’amuse beaucoup.

— Puisque c’est la fin du monde renversé, dit madame Lepic atterrée, je ne m’en mêle plus. Je me retire. Qu’un autre prenne la parole et se charge de dompter la bête féroce. Je laisse en présence le fils et le père. Qu’ils se débrouillent.

— Papa, dit Poil de Carotte, en pleine crise et d’une voix étranglée, car il manque encore d’habitude, si tu exiges que j’aille chercher cette livre de beurre au moulin, j’irai pour toi, pour toi seulement. Je refuse d’y aller pour ma mère.

Il semble que M. Lepic soit plus ennuyé que flatté de cette préférence. Ça le gêne d’exercer ainsi son autorité, parce qu’une galerie l’y invite, à propos d’une livre de beurre.

Mal à l’aise, il fait quelques pas dans l’herbe, hausse les épaules, tourne le dos et rentre à la maison.

Provisoirement l’affaire en reste là.