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la luzerne

Poil de Carotte

Partons !


Bientôt le champ de luzerne déploie sous leurs yeux sa verdure appétissante. Dès l’entrée, ils se réjouissent de traîner les souliers, d’écraser les tiges molles, de marquer d’étroits chemins qui inquiéteront longtemps et feront dire :

— Quelle bête a passé par ici ?

À travers leurs culottes, une fraîcheur pénètre jusqu’aux mollets peu à peu engourdis.

Ils s’arrêtent au milieu du champ et se laissent tomber à plat ventre.

— On est bien, dit grand frère Félix.

Le visage chatouillé, ils rient comme autrefois quand ils couchaient ensemble dans le même lit et que M. Lepic leur criait de la chambre voisine :

— Dormirez-vous, sales gars ?

Ils oublient leur faim et se mettent à nager en marin, en chien, en grenouille. Les deux têtes seules émergent. Ils coupent de la main,