Page:Renard - Sourires pincés, 1890.djvu/15

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devancé et se partagent les caresses familiales. Quand Poil-de-Carotte arrive, il n’en reste presque plus.

— « Comment, dit Mme Lepic, tu appelles encore monsieur Lepic papa, à ton âge ? dis-lui : « mon père » et donne-lui une poignée de main : c’est plus viril. » —

Ensuite elle le baise, une fois, au front, « pour ne pas faire de jaloux. »

Poil-de-Carotte est tellement content de se voir en vacances, qu’il en pleure. Et c’est souvent ainsi ; souvent il manifeste de travers.

Le jour de la rentrée (la rentrée est fixée au lundi matin, 2 octobre ; on commencera par la messe du Saint-Esprit), du plus loin qu’elle entend les grelots de la diligence, Mme Lepic tombe sur ses enfants et les étreint d’une seule brassée. Poil-de-Carotte ne se trouve pas dedans. Il espère patiemment son tour, la main déjà tendue vers les courroies de l’impériale, ses adieux tout prêts, à ce point triste qu’il chantonne malgré lui.

— « Au revoir, ma mère » — dit-il d’un air digne.

— « Tiens, dit Mme Lepic, pour qui te prends-tu, pierrot ? Il t’en coûterait de m’appeler