Page:Renard - Sourires pincés, 1890.djvu/35

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et fait le beau hors de son gîte, Albert, adroitement, en ayant l’air de n’exécuter qu’un mouvement réflexe, d’un brusque coup de talon remet le mollet à sa place. Réveillée en sursaut, Aline, naturellement peureuse, croit à une entrée furtive d’assassins qui, au préalable, la tirent par les pieds.

Si le menton du mari creuse la nuque de la femme, d’un vigoureux coup d’épaule, donné à propos, Aline envoie rouler la tête d’Albert sur l’oreiller de l’autre bord. Il s’imagine encore au régiment. Sans doute « un de la classe » lui a fait « prendre le train ». Il va ramasser les planches de son lit éparses, et déjà se propose d’offrir demain matin au bon farceur un litre d’eau-de-vie pour sa peine !

Comme le combat se prolonge, bientôt Albert se sent envahi. Il n’y tient plus, et d’une voix ferme :

— « Aline, dit-il, allume ! » —

La chambre éclairée, le mari prie simplement la femme de jeter, mais sans bouger, un coup d’œil oblique sur leurs positions respectives. Il ajoute :

— « Soulève-toi un peu. » —

Tous les deux se mettent sur les genoux. Albert plante un doigt de sa main gauche sur la ligne de démarcation imprimée par le corps d’Aline, et