Page:Renard - Sourires pincés, 1890.djvu/8

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— « Je ne suis pas venu en vacances pour m’occuper des poules » — dit Félix, garçon pâle, indolent et poltron.

— « Et toi, Ernestine ? » —

— « Oh moi, maman, j’aurais trop peur ! » —

Grand frère Félix et sœur Ernestine avaient à peine levé la tête pour répondre. Ils lisaient, très intéressés, les coudes sur la table, presque front contre front.

— « Dieu, que je suis bête ! dit Mme  Lepic. Je n’y pensais plus. Poil-de-Carotte, va fermer les poules. » —

Elle donnait ce petit nom d’amour à son dernier né, parce qu’il avait les cheveux roux et la peau tachée. Poil-de-Carotte, qui jouait « à rien » sous la table, se dressa et dit avec timidité :

— « Mais, maman, j’ai peur aussi, moi. » —

— « Comment ? répondit Mme  Lepic, un grand gars comme toi ! c’est pour rire. Dépêchez-vous, s’il vous plaît ! » —

— « On le connaît ; il est hardi comme un bouc » — dit sa sœur Ernestine.

— « Il ne craint rien » — dit Félix, son grand frère.

Ces compliments enorgueillissaient Poil-de-