Page:Renard - Sourires pincés, 1890.djvu/86

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tion renouvelait son personnel, comme si elle eût craint pour lui la moisissure. C’était un va et vient de maîtres d’étude. Celui-là partait comme les autres, et, meilleur, il partait plus vite. Presque tous l’aimaient. On ne lui connaissait pas d’égal dans l’art d’écrire des entêtes pour cahiers, tels que : Cahier d’exercices grecs appartenant à… Les majuscules étaient moulées comme des lettres d’enseigne. Les bancs se vidaient. On faisait cercle autour de son bureau. Sa belle main, où brillait la pierre verte d’une bague, se promenait élégamment sur le papier. Au bas de la page, il improvisait une signature. Elle tombait, comme une pierre dans l’eau, dans une ondulation et un remous de lignes à la fois régulières et capricieuses qui formaient le paraphe, un petit chef-d’œuvre tout simplement. La queue du paraphe s’égarait, se perdait dans le paraphe lui-même. Il fallait regarder de très près, chercher longtemps pour la retrouver. Quelquefois même on n’y parvenait pas. Inutile de dire que le tout était fait d’un seul trait de plume. Un jour, il réussit un enchevêtrement de lignes qu’il dénomma cul-de-lampe. Longuement les petits s’émerveillèrent. Son renvoi les chagrina fort.