Page:Renard Oeuvres completes 1 Bernouard.djvu/141

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
51
JULES RENARD


Sous les plis de leur éventail

Les graves mères de famille

Disant : " Il sera pour ma fille ! "

T’examinèrent en détail.


Ton regard courut à la ronde

Sans douter d’un succès certain.

Tu te caressais de la main,

Sur ton col blanc, ta barbe blonde.


Cependant le piano s’est tu.

Tu fais une dernière pause,

Le temps de respirer ta rose,

De lorgner ton soulier pointu,


Et ton monologue commence,

Ton monologue de bon goût.

Certain d’en voir bientôt le bout,

On prend son mal en patience.


Mais ton monologue en vaut deux,

Très lentement il se dévide,

Et déjà s’élève, timide,

Un chuchotement hasardeux.


Il en vaut trois, ton monologue.

Comme une boule de coton,

Il tourne sur le même ton.

Les plus gais prennent un air rogue.


Ton monologue les vaut tous.

Sous une chaise un pied remue ;

Au creux de mainte gorge émue

Se module un accès de toux.