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Crime de Village



I


La nuit était venue doucement, et le père Rollet, les bras croisés, en manches de chemise, en gilet bleu passé à larges poches, fumait sa pipe courte et noire sur un petit banc de bois qu’il avait cloué sous l’unique fenêtre de sa chaumière.

Il ne pensait pas à grand chose et écoutait la voix de crécelle des rainettes qui chantaient dans les buissons d’alentour et troublaient seules le grand silence. Du fumier qu’il avait enclos devant sa porte entre quatre petits murs de pierres sèches, il lui venait un air tout chargé d’odeurs chaudes.

Au milieu, se dressait un saule mince et maigre, aux feuilles fines comme des lances, dont quelques-unes, desséchées, tourbillonnaient à peine retenues par un fil.

Il était drôlement venu, ce saule : un vieux pieu qu’on avait autrefois planté là et qui avait soudain bourgeonné, fait des branches, à la grande surprise de tous, grâce à l’humidité du sol trempé de sucs.