Page:Renard Oeuvres completes 1 Bernouard.djvu/209

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en avant ; la jambe gauche suivait, puis, lentement, la droite.

Quand il fut en bas, près de Madame, ils dirent ensemble :

— Hein ? comme on se rencontre !

Ils allèrent vers la porte de la ferme.

On avait mis une petite barrière contre les poules qui volaient par-dessus.

Elles pénétraient tout autant, mais pas absolument comme chez elles, et cela suffisait.

Ils entrèrent dans la salle commune.

Les domestiques venaient de souper. Ils virent encore sur la table en bois aux pieds gros comme des colonnes, énorme, trapue, crevassée, une terrine au milieu de laquelle se dressait en pointe un reste de soupe épaisse et tassée. Les cuillers d’étain s’étaient creusé, tout autour, chacune leur part, également, sans aller plus loin. Au fond, sur une planche accrochée aux solives, des pains ronds montraient leurs dos poudrés de farine et rayés de taches jaunes.

La servante disparaissait, penchée sur une marmite, dans une monumentale cheminée qui mangeait les deux tiers d’un mur. C’était sur le rehaussement en briques où posaient les chenets à têtes de sphinx, que Madame s’asseyait, dédaigneuse de la chaise, les soirs qu’elle venait veiller, le dos au feu flambant, sa lanterne à côté d’elle,

La servante se retourna, les bras retroussés, toute rouge ; deux petites gouttes coulaient sur ses tempes.

— Ah ! c’est vous ! dit-elle. Il n’est point arrivé, j’fais mon fricot ; ils sont là.

Et elle rentra dans la cheminée. Madame et le vieux poussèrent la porte de la salle voisine.