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Page:Renard Oeuvres completes 1 Bernouard.djvu/215

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Au milieu du repas, le père dit brusquement :

— Eh, ben ! grand, ça a-t-il marché là-bas ?

Ce fut un coup. Tous restèrent interdits, dans les poses où la question les avait surpris, un verre en main, la bouche pleine, une fourchette droite, la respiration arrêtée.

Il ne répondit pas. Un silence pesait.

Le père attendit et reprit d’une voix basse :

— Alors, ça n’a pas marché ?

Le fils se décida à répondre, des phrases vagues, des mots sourds, honteux de l’aveu. D’abord il se déroba, puis il dit tout.

Ils l’écoutaient, le visage tendu, cherchant à comprendre, devenant tristes, à mesure que les illusions tombaient, et qu’il était plus clair qu’on avait trop espéré, trop rêvé pour lui, n’interrompant les paroles confuses du fils que par des oh ! des ah ! des exclamations brèves aussi vite rentrées qu’échappées.

Il termina :

— Non, ça n’a pas marché ; je suis las, je ne sais plus que faire.

Le père dit sourdement :

— N’y retourne pas ; il est peut-être encore temps de changer de route.

Le fils eut un soubresaut.

— C’était ainsi qu’on saisissait une occasion pour le retenir !

Il s’indigna :

— Après tout, il n’était pas forcé d’expliquer doucement les choses.

Une rage le prit.

Il déclara :

— Je ne regrette rien.