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Page:Renard Oeuvres completes 1 Bernouard.djvu/243

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Il la portait, vigoureux et cambré, frappant du talon, et tendant le bras de Justine à l’arracher.

La musique se réglait sur eux dans un cercle d’extasiés et d’envieuses.

Ça et là, des vieillards branlaient la tête : “ De leur temps, c’était encore plus beau. ”

Au-dessus des danseurs, la corde qui servait à hisser les bottes de foin et de paille était roulée en nœuds multiples, natte énorme.

Ils s’arrêtèrent en se faisant des saluts. Justine se retira sous un arbre de la route.

Comtal la suivit et devint familier. Elle avait sur le front de petites frisottes blondes et collées. Il s’amusait à les dérouler en s’y prenant délicatement. Elles se recroquevillaient en boucles, comme des ressorts.

Il fit sur elle l’essai de ses phrases.

— Vous sentez bon comme le poivre et comme le foin.

Tout près d’eux, le canal dormait dans ses brumes pâlottes et transparentes. Autour d’eux coulait, diffuse, une musique lointaine où tombaient, comme des pierres dans une vitre, des cris discordants. Comtal souriait.

La lune échancrée écartait ses cornes fines comme une pince lumineuse. Justine frissonnait.

Là-bas, à l’auberge, près du bouchon desséché, sous les lampions multicolores dont la lumière n’éclairait que le haut de la porte en laissant le bas dans les ténèbres, une sorte de croissant mobile s’agitait sur le feuillage des ceps de vigne. Il s’arrêtait, puis remuait encore. On eût dit l’ombre vacillante de la lune.