pour leur demander : " Y êtes- vous ? " levait
lentement, lentement, la dernière cuillerée, l’enfonçait jusqu’à la gorge, dans la bouche grande ouverte, de Poil-de-Carotte, le bourrait, le gavait, et lui disait, à la fois goguenarde et dégoûtée :
— Ah ! ma petite salissure, tu en as mange, tu en as mangé, et de la tienne encore, de celle d’hier.
— Je m’en doutais presque, répondait simplement Poil-de-Carotte, sans faire la figure réjouissante qu’on espérait.
Il s’y habituait, et quand on s’habitue à une chose, elle finit par n’être plus drôle du tout.
La Pioche
Grand frère Félix et Poil-de-Carotte travaillent côte à côte. Chacun a sa pioche. Celle de grand frère Félix a été faite sur mesure, chez le maréchal-ferrant, avec du fer. Poil-de-Carotte a fait la sienne tout seul, avec du bois. Ils jardinent, abattent de la besogne et rivalisent d’ardeur. Soudain, au moment où il s’y attend le moins (c’est toujours à ce moment précis que les malheurs arrivent), Poil-de-Carotte reçoit un coup de pioche en plein front.
Quelques instants après, il faut transporter, coucher avec précaution sur le lit grand frère Félix qui s’est trouvé mal à la vue du sang de son petit