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Ciel de lit

à Rachilde


I


L’épouse dort, le corps alourdi par les baisers que l’époux a laissés tomber, sans compter, un peu partout, et plus spécialement aux fossettes, aux petites cavités, aux rigoles, aux endroits où la chair se creuse, des baisers tantôt écrasés comme les larges gouttes d’une averse, tantôt petits, ronds, à peine sonores, ininterrompus, envolés des lèvres comme des bulles de savon d’un fétu de paille. Mais déjà la chère femme pèse bien lourdement sur le bras du cher mari. D’abord, par petites secousses prudentes et répétées, il tente vainement de le dégager. Le bras semble collé. Il dit avec douceur :

— Aline, Aline, attends voir un peu !

Et, comme elle ne fait aucun mouvement, il s’enhardit, se roidit, et, d’un seul coup, arrache son bras, qui lui semble une chose cotonneuse, inerte, morte, ou plutôt disparue. Un vague ronron s’échappe des lèvres d’Aline, comme un bour-