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Page:Renard Oeuvres completes 1 Bernouard.djvu/276

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SOURIRES PINCÉS


à leurs affaires, aux provisions, descendent, grimpent, s’arrêtent à peine, repartent, suivent un réseau mince, s’accrochent à une fibre, traversent un filet de sang, se glissent à fleur de peau, comme pour prendre l’air, et se dépêchent, hâtives, car Albert lève un doigt, puis deux, puis la main, le poignet, l’avant-bras, enfin le coude ; et, dans un pêle-mêle inattendu, les fourmis dégringolent, tourbillonnent, se perdent, sont mortes.

— Ces petites bêtes deviennent insupportables, se dit Albert. Tous les soirs, c’est la même chose, par notre faute bien n entendu. On reste enlacés, bouche sur bouche, on se promet noblement de se réveiller, le lendemain matin, dans la même pose. Cinq minutes se passent. On en a plein les muscles, et, soudain, voilà que les fourmis partent pour l’exercice. Elles ne m’y reprendront plus !

Mi-hargneux, mi-tendre, jusqu’à s’apitoyer sur le sort des cariatides, il se pelotonne contre le mur, le nez enfoui dans les fleurs du papier peint.


III


Maintenant, c’est, dans l’obscurité, entre Albert et Aline, la lutte des corps à corps. A toute rencontre involontaire sous les draps, ils éprouvent une sensation ou brûlante ou glacée, toujours désagréable. Mais les précautions deviennent inutiles. Leurs chairs sont ennemies.

Si le mollet d’Aline, alangui, prend ses aises, s’écarte inconsidérément, se pavane, vagabond, et fait le beau hors de son gîte, Albert, adroitement, en ayant l’air de n’exécuter qu’un mouve-