Aller au contenu

Page:Renard Oeuvres completes 1 Bernouard.djvu/309

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
219
JULES RENARD


leuses, Véringue regarda méchamment Marscau, et, s’efforçant d’être bien féroce, il l’insulta de nouveau, les dents serrées sur les syllabes sifflantes :

— Pistolet ! pistolet !

Les joues de Mars eau s’empourprèrent, mais il répondît sans colère, et le regard presque suppliant :

— Puisque je te dis que ce n’est pas vrai, ce que tu crois !

Le maître d’étude passa la visite des mains. Les élèves, sur deux rangs, offraient sans conviction d’abord le dos, puis la paume de leurs mains, en les retournant avec rapidité, et les remettaient aussitôt bien au chaud, dans les poches ou sous la tiédeur de l’édredon le plus proche. D’ordinaire, Violone s’abstenait scrupuleusement de les regarder. Cette fois, bien mal à propos, il trouva que celles de Véringue n’étaient pas très propres. Véringue, prié de les repasser sous le robinet, se révolta. On pouvait, à vrai dire, y remarquer une tache bleuâtre, mais il soutint que c’était un commencement d’engelure. On lui en voulait, sûrement. Violone dut le faire conduire chez M. le directeur.

Celui-ci, matinal, préparait, dans son cabinet vieux vert, un cours d’histoire qu’il faisait aux grands, à ses moments perdus. Ecrasant sur le tapis de sa table le bout de ses gros doigts, il posait les principaux jalons : ici la chute de l’empire Romain ; au milieu la prise de Constantinople par les Turcs ; plus loin l’Histoire contemporaine, qui commence on ne sait où et n’en finit plus.

Il avait une ample robe de chambre dont les galons brodés cerclaient sa poitrine puissante,