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APPENDICE


France du mois de décembre 1890 et dont il est intéressant de reproduire les principaux passages :

Voici peu de jours que la librairie Alphonse Lemerre a mis en vente Sourires Pincés de M. Jules Renard et déjà Poil-de-Carotte a la notoriété du loup blanc. A vrai dire on aperçoit ici que le bout de son nez, en quelques scènes seulement de sa toute enfance ; mais son destin est de jouer le " héros " d’un prochain roman de M. Renard, qui, — et pour cause, — le chérit d’une grande tendresse.

J'ai voulu dès l’origine lier à celui de son auteur le nom de ce personnage parce qu’il me paraît devoir occuper dans l'œuvre de M. Jules Renard qui sera probablement considérable une des premières places ; et c’est je crois l’étude des impressions de Poil-de-Carotte qui servira le mieux la critique quand plus tard elle prendra souci d'expliquer au total le curieux ( bizarre ) esprit de qui le créa.

S’il se pouvait — l’agréable hypothèse ! — que fussent anéantis tous les livres qui ne fleurent pas un spécial parfum, si faible soit-il, les pages de M. Jules Renard seraient de l’infiniment petit nombre de celles qu’aligneraient encore les rayons de la Bibliothèque Nationale. Non pas que je les proclame parfaites. Mais il est incontestable que l’auteur des Sourires Pincés ne sente d’une façon toute personnelle et n’ait une vision à lui des choses — ce qui à mes yeux le rachète de bien des petits défauts.

Le fumet sui generis de ce livre me semble émaner de la combinaison de trois éléments qu'on voit rarement réunis, et je qualifierais volontiers M. Renard analyste paradoxal et humoristique. Analyste évidemment beaucoup plus qu’artiste, il décompose avec bonheur mais ne compose pas.

En résumé M. Jules Renard ne ressemble à personne ; il présente ce phénomène rare de n’être pas influencé par les maîtres. Il est visiblement à l’aise dans son champ d’action, — espace un peu étroit sans doute et à l’écart des jardins où éclosent les fleurs à l’âme très subtile — et produit sans effort je dirai : naïvement, des pages d'une saveur particulière. Assurément on aimerait qu’il discernât davantage et que tel fragment tel morceau même fut retranché de son œuvre ; mais plus de sens critique ne lui ôterait-il point de son originalité ? Il est alors préférable ainsi. De même pour sa langue si plus de raffinement dans l’expression devait nuire à son humour " .

En ce même mois de décembre 1890, on ne peut songer à citer toutes les publications qui entretiennent leurs lecteurs des Sourires Pincés ; néanmoins il est bon d’indiquer ici que divers chroniqueurs en ont parlé dans l’Eclair (Montorgueil), la Revue indépendante (Louis Dumur), La Nouvelle Revue, la Revue Blanche, le Livre Moderne, etc ; des journaux de province l'Echo de Gascogne, l’Union républicaine du Doubs, également ;