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XXXVIII
PRÉFACE.


discret. Et il ne l'ignore pas, car il s’est moqué d’Eloi, symboliste exaspéré, qui exulté si on lui dit qu’on ne le comprend pas, et qui n’est plus fier dès qu’il lui arrive de se comprendre lui-même.

Réaliste ? Pas le moins du monde. Pourtant, au premier abord, ne semble-t-il pas que ce soit sa dominante ? Le réaliste n’est-il pas, avant tout, celui pour qui existe le monde visible ? Oui, mais il nous Je décrira tel quel, avec d’inévitables différences de traduction, sans doute, mais avec le maximum de fidélité humainement exigible. Disposez dix réalistes purs devant le même paysage : il y a gros à parier que, de la somme de leurs descriptions juxtaposées, puis fondues, nous aurons l’impression totale du paysage dans tous ses détails, sans qu’il nous soit possible d’attribuer à l’un plutôt qu’à l’autre la notation de ce peuplier, de cette maison, de ce bœuf. Il en va tout autrement de Renard. Certes, pour lui aussi le monde visible existe, mais seulement en fonction de lui-même. Pour lui, qui recrée, comme pour les théoriciens du symbolisme, le monde et sa représentation. Qu’il regarde l’arbre, l’animal ou l’homme, il le marque d’un trait où se révèle l’empreinte de son indiscutable personnalité. Sans le savoir, sans doute, il a fait de la philosophie : c’est, pour un artiste, moins la meilleure que la seule façon d’en faire. Tout le reste n’est que littérature à prétentions métaphysiques, ou que philosophie littéraire, c’est-à-dire le plus absurde et le plus répugnant mélange qu’on puisse imaginer.

Naturaliste, il l’est moins encore. Il n’a point la manie de la documentation à outrance. Comme d’Eloi symboliste exaspéré, il s’est moqué d’Eloi naturaliste. " Il ramasse les bouts de cigares, les queues d’allumettes ; il recueille les cheveux oubliés sur l’oreiller, les poils de barbe, Ah ! une fausse dent. Quelle perle ! Il exac-