à payer le moins cher possible sur un champ de foire, la vache ou la paire de bœufs dont ils ont envie, qu’y a-i-il donc à cela d’admirable ? Même sur ce terrain,combien de fois ne sont-ils pas roulés ! Les roueries proverbiales qu’on leur attribue ne sont y trop souvent que pures inventions. Sur eux, j’aurais pu écrire des
nouvelles, des romans, même. Cela ne m’intéresse plus. Nouvelle et roman déforment la vie. Rien
ne me choque plus qu’un retour en arrière qu’une intrigue inventée de toutes pièces. Ce qu’il faut, c’est la peinture qui donne l’illusion de la photographie. Du paysage, du visage qu’il tire, le photographe n'élimine ni détails
neutres ni traits superflus. C’est l’affaire de l’artiste, qui choisit. Mes observations, je les ai triées. Elles n’ont plus rien que d’essentiel. A mes débuts, j'admirais beaucoup Maupassant. Aujourd’hui, je trouve que, chez lui, c’est toujours un peu la même chose. Les paysans normands sont comme tous les autres : ils ne
sont pas si compliqués, ils ne sont pas si malins que çà ! "
De sa part, ce n’était pas courte vue. L’obstinée patience qu’il mit à étudier Philippe et Ragotte serait pour prouver que, s’il ne les estimait pas " si compliqués que çà " , ce n’était qu’en réaction contre ces écrivains vulgaires qui ne parlent des paysans que suivant de ridicules conventions littéraires.
7. Le régionalisme. — Une de ces ridicules conventions, et non la moindre, est celle qui veut, non seulement qu’il y ait des écrivains " régionalistes " mais qu’ils revendiquent ce faux titre de gloire. Nous en étions la du vivant de Renard, et nous n’avons pas fait un pas depuis trois lustres qu’il est mort. Renard n’est pas régionaliste, aucun écrivain digne de ce nom ne l’est, quel que soit l’en-