Page:Renard Oeuvres completes 1 Bernouard.djvu/71

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
LXI
PRÉFACE.


Ils restent là, coude à coude, un instant désoccupés. Oh ! n’espérez rien ! L’odeur du foin ne les grise pas. Ils ne vont pas, pour vous faire plaisir, se rouler dans l’herbe. "

Et puis, le sens qu’il a de plus en plus du style classique, qui ne dit que l'essentiel et n’emploie que le mot propre, lui interdira absolument l’usage du patois et des apocopes dont Balzac, George Sand et Maupassant, pour ne nommer qu’eux, truffaient leurs récits. Ses paysans parleront français, en hommes qu’ils sont ; mais Renard prendra grand soin de ne leur faire prononcer que des mots dont la signification, vraisemblablement, ne soit pas, pour eux, lettre morte. Que d’erreurs, de ce point de vue, que de fautes de goût chez la plupart des romanciers ! Ecoutons le père Fourchon dire : " Ce que nous avons de mieux à faire et donc de rester dans nos communes où nous sommes parqués comme des moutons par la force des choses, comme nous l’étions par les seigneurs. " Et Renard, venant de lire Césette, écrivait d’Emile Pouvillon en décembre de l’année 1898 : " Il aime son pays et le rend bien, mais, comme il est plus facile de voir un paysage qu’un paysan, ses bergers et ses bergères sont faux. Un bouvier dit : " Très succulente, cette soupe au safran ! Grasse, nourrie, onctueuse ! "

Du moins Renard se rapprochera-t-il de La Bruyère ? Certes, il pratiqua les classiques, et de préférence celui-ci et La Fontaine, mais aucune lecture ne déteignait sur lui. Que Hugo soit resté le Jupiter de son Olympe littéraire, qui s’en douterait à le lire ? Et, pourtant, on rapproche souvent son nom de celui de La Bruyère. Sans doute veut-on dire qu’ils furent des psychologues et qu’ils consignèrent leurs trouvailles en des phrases courtes. Mais La Bruyère est avant tout un moraliste qui ambitionne de " rendre l’homme raisonnable... par des voies simples et communes. " Renard, lorsqu’il portraiture ses paysans,