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PRÉFACE.


sait. Pas de folklore nordique ou méridional où ils n'occupent leur place, redoutables comme des dieux menaçants qu’ils incarnent, ou narquois comme des Génies familiers. Je ne dis pas qu’ils soient autant de boucs émissaires, mais on les charge volontiers de la morale à tirer de la petite ou longue histoire qui vient d’être contée, et il n’apparaît guère, par parenthèse, que jamais l’ humanité en ait fait son profit.

Aux XIIe et XIIIe siècles, le goupil Renart, Ysengrin, Noble, Brun, Beaucent, Bernart, Belin, et tutti quanti, ne sont que des incarnations de types humains de catégories sociales différentes. Ce ne sont, comme dans la Conscience, que des hommes " vêtus de peaux de bêtes. " Pour apprécier à sa totale valeur le classicisme de La Fontaine, il est indispensable d’avoir lu ces récits diffus où l'art rudimentaire ne se révèle que dans les situations créées, où la composition et le style sont a peu près inexistants. On peut dire que La Fontaine créa la fable comme Dieu fit l'homme : en modelant cette argile informe. Il ne lui insuffla point la vie brute qui, incontestablement, y était déjà : le goupil, ses compères, ses ennemis, sont vivants, mais de la même vie que les héros de ces anecdotes colportées par nos modernes Gaudissart. En même temps, La Fontaine s’en tint à la formule d’Esope ; " Cette fable montre que... " Il en varia seulement l’expression.

Renard ne se rattache donc à aucun de ces prédécesseurs. Mais à Buffon ?

Si l’on ne peut dire de Buffon qu’il soit un grand écrivain, on peut affirmer qu’il fut un noble écrivain. Feuilletons-le un peu au hasard. Le cheval est " la plus noble conquête que l’homme ait jamais faite". "Le cygne doit être regardé non seulement comme le premier des navigateurs ailés, mais comme le plus beau modèle que la nature nous ait offert pour l’art de la navigation ". L’oie " est encore,