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Page:Renard Oeuvres completes 1 Bernouard.djvu/85

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LXXV
PRÉFACE.


est à la place qu’elle doit occuper. Que si leurs scintillements mêlés nous éblouissent, ne nous plaignons pas qu’elles soient trop belles, ni trop nombreuses.

12. Conclusion. — Son œuvre est essentiellement française. Elle n’est ni agrandie , ni corrompue par des apports d’origine étrangère. Ni le roman russe, ni le roman anglais ne l'a impressionné au point de l’engager dans une autre voie. Elle est, encore, a égale distance des latines villes de marbre et des attirantes cités bâties au fond des brumeux fjords Scandinaves : ne lui parlons ni de Dante, ni d’Ibsen. Nul ne fut moins " européen " que lui, et il lui était indifférent qu’on lui en fît la remarque, directement ou par allusion, en quoi il avait totalement raison. Critiques arrogants et esthètes insupportables le faisaient sourire, qui ont la prétention d’imposer à l’écrivain les restaurants cosmopolites où il devra s’assimiler les nourritures dont ils ont, à son intention, dressé la carte. A toutes ces sauces extravagantes, Renard préféra le vin, les volailles et les légumes de son pays. C’était son droit. Qu’on le juge donc sur le terrain où, de propos délibéré, il s’est placé lui-même, et qu’on dise s’il a réalisé le dessein qu’il avait conçu.

Son œuvre est là, debout, solide dans ses parties principales, a quoi la fusion parfaite de l’humorisme, du réalisme et du lyrisme assure une indéniable originalité, et son classicisme neuf suffit à leur garantir longue durée. A ceux qui voudront profiter de son exemple, Renard apprendra à se garder des effets trop prévus de situations et de mots, à ne rien penser que de probe, à ne rien écrire que de net, à laisser — ce qu’il n’a oublié qu’une fois, avec la Bigote, — au pamphlet, à la tribune, à la chaire, au journal, la discussion des idées politiques, religieuses ou sociales, a ne point mêler à la littérature d’imagination