Toutes ont le nœud familier.
Nœud piqué dans leur chevelure,
Nœud sur le bout de leur soulier,
Nœud par derrière en boursouflure.
Chacune a son endroit privé
D’où ses regards quêtent fortune,
Un bout de trottoir réservé
Sous un bec de gaz pour chacune.
" Bonsoir, Monsieur ! Monsieur, bonjour ! "
La voix aigre sur un air tendre,
Elles font mine de comprendre
Le peu qu’on leur parle d’amour.
On aime autant l’autre que l’une.
Quand on accueille celle-ci,
Avec tant d’art l’autre importune
Qu’on voudrait bien la prendre aussi.
Pour l’inconnu qu’elle remise
Chacune a, le corsage ôté,
Le même à-peu-près de beauté
Sous son à-peu-près de chemise,
La même façon d’embrasser,
De se pelotonner sur elle,
De s’endormir et de laisser
Monsieur rêveur dans la ruelle.
Et, tous les jours, même tracé :
Soit par contrainte, soit qu’elle aime
Cette existence à prix fixé,
Son histoire est toujours la même.