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recueil intime

Et ses larmes tombaient amères comme l’onde,
Et de sa lèvre, avec une plainte profonde,
      S’échappait un morne secret.

Dépassant du cristal la sonorité triste,
Cette voix faisait peur ; mais le plus grand artiste
      Voudrait en vain charmer autant ;
Et de retour au nid, le soir, la tourterelle
N’a point cette douceur grave et surnaturelle,
      Rythme qui chante en sanglotant.


*


« Mon palais, disait-elle, abonde en belles choses.
Les tapis en sont d’algue et les murs de corail.
J’ai pour me promener un char de perles roses
Que traînent des dauphins à l’écailleux poitrail.

« Je suis par la beauté l’égale des déesses ;
Ma chair a les blancheurs de la neige et du lait,
Ma chevelure tombe en cascades épaisses,
Et du vert océan mes yeux ont le reflet.

« Un seul de mes regards dompte le plus farouche.
Il n’est d’être si fier, de roi si près des dieux
Qui, lorsque les accords s’envolent de ma bouche,
Ne se mît à mes pieds pour les écouter mieux.