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LE PETIT PENDU


A présent un regret mystérieux lui pèse.
Il pense à sa grand’mère enterrée. Il ne peut
S’empêcher d’y penser. Il sent un froid malaise
A ce soupçon que l’eau la mouille quand il pleut.

Il regarde la chambre ; et le fauteuil lui semble
Monstrueusement vide et morne, n’ayant plus
Le corps rapetissé de la vieille qui tremble,
En tenant ses genoux entre ses doigts perclus.

Il sait qu’il ne doit plus la revoir. D’habitude,
L’on part et l’on revient. Le départ, cette fois,
Sur le retour n’a point laissé d’incertitude,
Trop pesante est la terre où l’on plante une croix.

Elle lui racontait de si belles histoires :
Le petit Chaperon rouge, le Chat botté ;
Ou bien c’étaient de longs récits sur nos victoires,
Au temps où l’on avait chassé la royauté.

Elle était bonne. Alors que venait la gelée,
Elle lui réchauffait, entre ses mains, les doigts.
Et sa tiède moiteur faisait partir l’onglée
Mieux que l’ardent brasier, cruel aux doigts trop froids.