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Page:Renee-Dunan-Galantes-reincarnations 1927.djvu/37

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un petit cri jaillit dans la rue, et une femme accourut qu’à travers le mince carton qui m’isolait du monde, je devinai âgée et familière.

— Palmyre, emmenez-moi dans votre voiture, j’ai une question à vous poser.

Toutes deux montèrent et le carrosse s’ébranla.

— Qu’achetiez-vous donc, chez Agnès ? demanda la survenante.

— Oh ! peu de chose, une juponnette comme le marquis aime à m’en voir porter.

Et elle me déballa. Je vis une face de procureuse, fardée et cynique, se pencher sur ma soie.

Il est joli, en effet. Mais on m’avait dit que vous le quittiez, ce bon d’Escoupine.

— Pensez-vous, madame Parisot. Et qui me ferait vivre ?

— Oh ! jolie comme vous êtes…

— En attendant, je garde ce que j’ai.

— Bon, mais renseignez-moi donc. J’attends chez moi, juste à cette heure, un grand, grand personnage, un ministre, pour ne rien vous cacher. Il m’a dit : « Je veux une fille rouée, habile, dévergondée, et si possible portant sur la peau, en un endroit dont la contemplation soit facile, ce qui me plaît le plus au monde dans les corps féminins : quelqu’une de ces taches de lie de vin ou framboise qui me mettent en transe amoureuse. Connaissez-vous ça ? Vous me la présenterez vêtue d’un simple jupon couleur rose éteint, et…

— Dites donc, madame Parisot, interrompit brusquement Palmyre O’Nana, c’est bien sérieux, tout ça ?

— Si c’est sérieux, ma petite, mais plus encore qu’un registre du Parlement, sérieux comme le carême, comme le bourreau et comme un gigot trop cuit.

— Eh bien, tenez !

Et impudiquement, ma maîtresse se troussa. Elle prit