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Tous deux se dévisagérent un instant, enfin Sirup, un peu rassuré, et, pour tout avouer, fasciné par ce qui se manifestait en sa nouvelle amie de spécifiquement et délicieusement féminin, se rapprocha du lit sur lequel, étendue, Mary Racka semblait prier un dieu galant.

— Oui, dit-elle alors, approche-toi, et conte-moi… ce que tu voudras.

Sirup n’avait rien à conter, mais il connaissait les gestes qui accompagnent à l’accoutumée les plus belles histoires. Sa nouvelle amie les comprit, les aima, les goûta, les redemanda…

Il y eut donc dans les relations de ces deux charmants personnages, ce qu’on pourrait appeler un intervalle, au sens philosophique dont on emploie ce mot dans la théorie du professeur Einstein. C’est-à-dire que l’espace qui les séparait tendit soudain vers zéro, tandis que la durée prenait une forme insaisissable, les deux partenaires s’étant placés, si l’on peut dire, hors du temps…

Mais tout finit ici-bas, même l’amour (car à quoi bon continuer à le cacher sous des algèbres, ils faisaient la bête à deux dos) et Sirup, un peu plus intime et familier toutefois, se retrouva devant les yeux curieux de sa nouvelle compagne.

— Dis-moi, mon petit, comment te nommes-tu ?

— Sirup, dit-il laconiquement.

— Alors, tu es un voleur ? Mais pourquoi me l’as-tu dit. À supposer que je fusse honnête, tu aurais pu avoir des embêtements ?

Sirup, rassuré, haussa les épaules.

— J’ai bien deviné tout de suite ce que tu étais, affirma-t-il avec orgueil.

Elle le regarda sérieusement.

— Alors, tu es terriblement fort. As-tu beaucoup d’argent ?

— Non, pas beaucoup, reprit-il, en baissant le ton. J’ai perdu hier aux courses.