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Page:Renee-dunan-entre-deux-caresses-1927.djvu/127

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ENTRE DEUX CARESSES

Aglaé fut ravie de se sentir en familiarité avec un gaillard soigné et robuste, qui avait l’air d’un Américain, la courtoisie d’un hidalgo, les vertus, peut-être, d’un Aga, et le bon vouloir d’un Anglais. Avec cela il comprenait la plaisanterie comme un Français, ce qui s’attestait magnifique. Elle absorba une infinité de sandwichs et des liqueurs, à constituer une symphonie de maître, selon l’orgue-à-bouche de Huysmans. Ensuite, ils sortirent ensemble.

Mexme ne voulut point détromper la jeune femme qui le prenait pour un bandit de grande envergure. Il songea quelle serait la surprise de cette puérile et tanagréenne personne, lorsque en la quittant il ouvrirait en grand les écluses d’une générosité princière. Il alla donc chez Aglaé.

Le banquier n’avait jamais beaucoup fréquenté les petites prostituées faubouriennes. Il s’était montré toute sa jeunesse un enfant sage et plus tard un jeune homme sérieux. Ses maîtresses, fort aisantes, habitaient exclusivement le seizième arrondissement. Depuis son mariage il s’en tenait aux femmes du monde et d’esprit, dont un grand banquier est, en quelque façon, l’esclave et le bailleur par destination. Mais, pour ces raisons même, il trouva Aglaé exquise.

Il connut, dans la chambre meublée, pauvre à pleurer, et pourtant coquette, cette sorte de tristesse qui est, au demeurant, un aphrodisiaque. Cela lui fit croire une minute qu’il fut seulement le clerc de quelque basochien, l’employé d’un