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Page:Renee-dunan-entre-deux-caresses-1927.djvu/215

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ENTRE DEUX CARESSES

le goulet la proue basse. À dix mètres un tourbillon abattit tout sur tribord… Georges Mexme regardait farouchement, cramponné à son banc, cette lutte désespérée à quelques pas du rivage sauveur.

Une vague quasi circulaire, haute comme un cratère, semble soudain immobiliser le bateau, elle le hausse vers le ciel tandis que s’abat le coup de pilon d’un vent vertical. Un dixième de seconde Mexme voit à travers l’embrun le quadrillage des marais proches, puis il est arraché de son banc et lancé en l’air comme pour un exercice de trapèze volant. Il lui semble qu’il va retomber sur la terre. Mais un bloc d’eau le reprend et le mène en avant, tournoyant comme un bouchon. Brusquement il stagne, puis un suçoir le ressaisit. C’est le reflux de la vague qui le portait… Derrière, c’est la pleine mer et c’est la mort. Il lutte de toute sa force pour prendre appui sur la matière fuyante qui le bouscule. Il veut avancer tout de même. La dyspnée lui sangle le torse, il nage comme une bête à l’agonie…

Le souffle lui manque enfin, il remonte à l’air.

Stupeur… Il est dans un petit bassin donnant sur le chenal où la vague l’a introduit. Tout hurle à l’entour, le ciel, la mer et la terre. Il se hisse sur la berge. L’embrun lui arrive par bouffées glaciales. Derrière, ce sont des marais grisâtres. Au fond on entrevoit une forêt. Il se fouille… Un de ses revolvers est resté dans sa poche fessière toujours tendue mais l’autre et son portefeuille