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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

tire souci, sauf une femme que je n’ai pas le temps de connaître. Elle me dit, au moment où je passe :

Les launes sont là ?

Voici une ruelle étroite et filiforme. Je crains de venir tomber dans un nouveau passage voûté dont jamais je ne consentirai à épouser la suintante horreur, mais je retrouve une voie muette avec seulement à droite et à gauche des lumières en des gîtes étrangement disposés. Me voici maintenant au milieu d’une foule : cent personnes qui parlent haut dans une espèce de patois grasseyant. À ma vue, tout le monde se disperse et le silence retombe. On ne peut donc pas sortir de ce dédale ?… Je commence à souffler et mon cœur danse de nouveau la sarabande. Encore une effort. Je glisse comme une ombre dans un coin que je crois reconnaître, et subitement, une mutité m’enveloppe, dans une sensation de sereine paix ! Je m’arrête en me prenant la poitrine à deux mains. Je marche encore, encore… Je suis dans la rue Présentine…

Dix pas, vingt, trente pas… cette fois je ne puis plus. Je devine une borne cavalière, je m’assois en respirant lentement. J’entends le friselis, du sang violemment chassé dans mes artères et qui monte, par les carotides, ras la peau de mon cou.

Une minute, deux, cinq. Je me sens peu à peu remise. La connaissance me revient de ce qui m’entoure ! Ah ! ce silence, quel bonheur il m’apporte !

Je suis seule. Je suis sauvée, je tâte la pierre sur laquelle je suis assise et son contact m’est délicieux. Sauvée ! Sauvée ! ce mot recèle un infini de jouissances ! Sauvée !… Je me surprends à chanter ce mot pour lui chercher une musique neuve…

Je m’en vais. Il me faut rentrer chez moi. Suis-je en retard ? Sans doute, mais enfin je vais rentrer. Rentrer intacte… Ah !