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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

tures, vignobles, bois et étangs, haras et étables, landes et forceries. On avait même fait des sondages et découvert de l’asphalte que Biqueline exploiterait. Un mamelon dominé par un terrain plat et inculte était nommé Camp des Romains. Pour ce, y faisait-on des fouilles en tranchées régulières. Les découvertes curieuses de ce plateau ornaient les salons des Biquerine. Je me souviens d’une statuette en bronze figurant une femme à douze mamelles et d’une plaque de métal vert de grisé, sur laquelle était représenté simplement un triangle à fines entailles crépelues ayant l’aspect de toison. Autour courait une inscription que je ne savais pas lire, mais Lucienne m’avait assuré que le sens était celui-ci : Scauria la Vierge, reine des Ligustes.

Nous vagabondions du matin au soir dans ce résumé du monde. Nous emportions des livres pour les lire à haute voix en des lieux inattendus. C’est ainsi que j’ai connue La Chartreuse de Parme, et, comme nous parlions et lisions couramment l’anglais, le Cycle du Rameau d’Or de James Frazer.

Un jour, nous étions à admirer le passage fulgurant des poissons sous le soleil qui dorait le fond de l’étang. Nous fûmes surprises brusquement par un bris de branche tout près. C’était le garde qui faisait son devoir de surveillance. Nous eûmes si grand peur avant de l’avoir reconnu que nous rentrâmes essoufflées et furieuses, comme si tout les Sylvains de la forêt nous avaient poursuivies.

À peine montées dans la chambre de Lucienne, qui donnait sur la façade, nous nous mîmes à méditer sur le moyen de nous débarrasser de ces présences fâcheuses. Et cela enflammait nos yeux sans qu’il fut besoin de dire pourquoi. C’est que, seules, nous pourrions aller nous baigner…