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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

seins cette surface granuleuse qui m’écorche délicieusement…

Chancelante, je me mets debout.

Combien de pensées en moi durant que je me redresse ? Je ne sais, mais un commandement :

Ne te retourne pas pour voir si Lucienne est encore à la racine. Cours-y vite, vite, vite, sans voir…

J’obéis à cet ordre qu’on dirait venu de l’extérieur. Trébuchante j’allonge une jambe et je crois tomber. Je me tiens debout comme si c’était un miracle et soudain, je me mets à courir.

Je saute du sable sur l’herbe, je marche sur des morceaux de bois pourris, sur je ne sais quoi de dur, je me heurte à un arbuste qui m’écorche l’épaule. Je cours…

Lucienne a-t-elle été emportée par la rivière, est-elle…

Je suis devant le lieu où je l’ai laissée. Vraiment je n’ai encore rien vu lorsque je tombe sur les genoux et me jette, les bras en avant, pour étreindre toute la rivière…

Et je saisis le pauvre corps pendu. Je le prends. Il entre dans mon regard…

Farouche, je l’arrache à la racine, mon effort est si ardent que Lucienne va m’échapper. Je la sens qui glisse entre mes mains…

Je serre comme une tenaille. J’ai dû lui faire mal… Car elle vit…

Il faut que je lui aie fait mal… Je ramène ce chiffon de chair. Et brusquement il m’échappe encore. Cette peau glisse sous ma prise. Je ne porte plus, comme tout à l’heure, je tire et la pesanteur cherche à me vaincre.

J’ai pu prendre l’aisselle. Je tiens ferme. Il me faut empoigner l’autre bras. Je fais un effort violent. Peu s’en faut que je ne plonge avec le corps. Un moment je suis suspendue, le torse jusqu’aux