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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

çait. Lancé, il passa. Je tournai en arrière et partis vers l’autre angle, mon tisonnier à la main. Il revint aussitôt que moi. Je glissai devant lui, pourtant, empoignant le coin du bureau pour faciliter la prise de la courbe. Ses mains arrivèrent en même temps que les miennes. Il ne put me prendre et je glissai vélocement au long de la table. Mon élan était tel qu’à l’autre bout, je ne pus me retenir. Je dépassai le « virage ». Il arrivait ! D’un coup de reins je voulus me rétablir mais je heurtai à mon tour le fauteuil de Tallurac. Nous étions presque face à face. D’une détente des jarrets je repris, je tentai de reprendre ma protection. Ma jupe s’enroula par la rotation du mouvement, dans un accoudoir du fauteuil. Un dixième de seconde je sentis mon mouvement perdu et m’arquai pour le reprendre. Un bras passa devant moi. Je l’écartai et voulus répartir en sens inverse. Le corps de l’homme lancé lui aussi sur moi me heurta par le flanc. Je me baissai pour échapper, mais il écarta un genou et je butai dans cette barrière. D’un recul qui entraîna le fauteuil je voulus encore me dérober. Une main arriva vers mon bras gauche et le saisit à la saignée. Je tirai désespérément. Nous faillîmes tomber tous deux. La main ne me lâcha pas. Je tenais le tisonnier et allais le lever quand je fus ceinturée, soulevée du sol et appuyée sur une poitrine qui puait le suint. Je me sentis vaincue… C’était fini… Un terrible sang froid me saisit. La fièvre de lutte qui me tenait jusque là était tombée net. Mon bras pendait encore armé. Toute ma sauvegarde était donc en lui. Je regardai de près l’homme embarrassé qui m’avait empoignée. Il hésita. Mais je lui parus si bien conquise qu’il me relâcha une seconde, puis de deux mains épaisses me reprit enfin par le torse, grogna quelques mots indistincts en riant salement, et me porta sur le bureau.