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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

rais. Jamais toutefois il ne m’avait donné un sou ni un bijou. Mais je possédais deux robes de soirée, un manteau admirable, tout un jeu de chaussures faites pour ne point marcher dehors, avec des bas et du linge à profusion.

Malgré ces fantaisies vestimentaires je n’avais pas l’air d’une grue.

Du moins me le disait-on. J’intriguais ce monde curieux et bavard et le passionnais d’autant plus que cette existence double et exténuante me faisait terriblement maigrir. Prenant des airs poitrinaires, j’excitais les vices secrets de tant… Au fond de moi-même je défiais orgueilleusement la famille de Javilar.

Un soir, à six heures, la voiture de Pacha-Lourmel m’attendait devant chez Tsarskaia. Le chauffeur me connaissait ; il me dit de monter seule et que Pacha, très occupé, viendrait me retrouver là où il avait ordre de me mener. Je ne connus vraiment aucune méfiance. Devais-je en avoir ? On me descendit dans une petite rue entre les Ternes et l’Étoile. J’ai oublié son nom. Le chauffeur me pria de grimper au quatrième. Je le fis. Une porte s’ouvrit sans qu’il me fut besoin de sonner et me voilà dans un petit appartement joliment meublé. Cinq pièces, objets de bonnes maisons, et pas trop croquants. La bonne qui m’accueillit me fit faire le tour de la boîte en attendant « le Pacha. » À la façon dont elle s’exprimait je devinai que le marchand de toiles allait m’offrir ce domicile galant pour que désormais je fusse sa maîtresse.

Je ne laissai rien voir de ma pensée à la bonne qui me vantait les commodités précieuses, le chauffage central et le chauffe-bain, le téléphone dans une cabine ad hoc, comme au bureau de poste, la cuisine où l’on pouvait préparer jusqu’aux pâtisseries les plus subtiles et autres agréments. En