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Page:Renel - La Race inconnue, 1910.djvu/102

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Le malheur épiait toujours la case de Ratsimba : un soir un esclave échappé de la maison du maître à Tananarive, annonça que Rainiketamanga avait été arrêté la veille, sommairement jugé et condamné à mort. On l’avait conduit de grand matin à la place de Souaranou, on l’avait attaché à un poteau comme en dressent les Malgaches pour brûler vifs les soldats déserteurs, puis douze Sénégalais placés en face de lui l’avaient tué de leurs douze balles. On racontait tout bas que les Français allaient prendre ses biens ; déjà quelques-uns de ses esclaves, à Tananarive, s’étaient enfuis. Ratsimba, atterré de ce que ce jour lui apportait de funeste, hanté de pensées tristes, attendit les malheurs à venir. D’étranges bruits, depuis plusieurs mois, circulaient dans les campagnes. Les vazaha, disait-on, auraient ouvert toutes les castes et supprimé les barrières des races. Un Andevou pouvait épouser une Andriana et un Makoua valait un Imérinien. Il n’y avait plus ni maîtres, ni esclaves, ni Andriana, ni Houva, ni bourjanes : tous les Malgaches, sujets de la France, étaient égaux. Ratsimba ne comprenait pas bien le sens de ces choses nouvelles, introduites par les étrangers. Comment tous les Malgaches pouvaient-ils être égaux, puisque les uns possédaient la terre, les cases, les troupeaux, et que les autres n’avaient rien ? Qu’allaient devenir tous les pauvres esclaves, quand ils n’auraient plus de maîtres pour les nourrir