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Page:Renel - La Race inconnue, 1910.djvu/243

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son village. Son père et sa mère lui soufflèrent de l’eau à la figure, selon le rite des ancêtres, en lui souhaitant toutes sortes de prospérités. Sa maman était très joyeuse de la savoir casée ; car elle savait qu’au village sa fille ne devait point trouver de mari, depuis le jour où, toute petite, elle avait violé le fady, en mangeant les racines de manioc laissées sur la pierre du foyer.

Le lendemain, Ranirina partit. Elle vit Tamatave, les grandes cases en pierre des vazaha, les magasins du Louvre, et les boutiques indiennes ou chinoises, pleines de tout ce que peuvent désirer les femmes. Elle connut les fatigues et les délices de l’oisiveté, les promenades en pousse-pousse dans les rues ombreuses, ou sur les boulevards plantés de cocotiers et saturés d’air marin. Elle ne demeura pas longtemps avec son premier mari vazaha, bientôt lassé, elle en eut un autre, puis un autre encore, puis beaucoup, ensemble ou les uns après les autres.

Mais cette vie de noce ne lui plaisait guère ; elle était prête à rester indéfiniment dans la case du premier qui voudrait bien la garder. Elle le trouva enfin. C’était un étranger d’une autre race que les Français, avec des cheveux raides aussi jaunes que la chair d’une mangue, une peau rouge comme le poisson du corail, et des yeux bleus. Employé d’une factorerie allemande, sérieux et rangé, il sortait et rentrait à des heures régulières, accomplissait ponctuellement,