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Page:Renel - La Race inconnue, 1910.djvu/307

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des tirailleurs malgaches. Deux mille européens, dispersés dans tous les quartiers de la ville, se trouvaient à la merci de soixante mille indigènes. Vraiment la tentation avait été trop forte. Aujourd’hui c’en était fait ; les conques malgaches, en cette fin de nuit d’automne, sonnaient la Saint-Barthélemy des vazaha ! Les Lefort, sans se parler, s’étaient compris : maintenant ils étaient sûrs, tous les deux, de l’horreur de la situation.

— On massacre les Européens, avait murmuré Madame.

— Habillons-nous vite, avait susurré Monsieur.

En même temps Madame allongeait la main vers la table de nuit et frottait une allumette. Les femmes sont si imprudentes !

— N’allume pas ! dit Monsieur. Inutile d’attirer l’attention sur notre maison !

Tâtonnant dans l’obscurité, ils s’habillèrent hâtivement. Madame passa une jupe, un corsage, enfila ses bas et ses pantoufles, s’enveloppa la tête d’un fichu. Monsieur mit le pantalon et le veston de flanelle qu’il avait quittés la veille, coula ses pieds nus dans une paire de souliers : tous deux sortirent de la chambre. Dans le corridor, ils hésitèrent. Où aller ? Sortir, c’était courir au-devant des bandes d’égorgeurs ! Rester, c’était attendre la tuerie, qui allait se faire sans doute rue par rue, maison par maison.

— Tu ne prends pas ton revolver ? dit Madame.