Il déroula une petite natte, s’accroupit devant, tira d’un sac en peau des graines ovales et aplaties, qu’il se mit gravement à disposer, selon le rite, après avoir fait l’invocation traditionnelle.
— Vous voyez, je consulte le Sikidy, pour savoir si le jour est bon.
Villebois, intrigué, se demandait s’il devait se fâcher ou rire. Ne se moquait-il pas, ce métis, ancien élève d’un lycée français, chasseur d’abeilles et de sangliers dans la brousse malgache, qui parlait latin aussi bien qu’un Monpère et se livrait aux simagrées des sorciers indigènes ?
— Vous croyez donc aux histoires des Oumbiasy ? C’est sérieusement que vous faites le Sikidy ?
Justin Allevent acheva de disposer une rangée de graines sur la natte divinatoire et regarda le vazaha d’un air étonné :
— Je vous ai dit que j’étais un Malgache. Quand j’ai quitté Saint-Denis-de-la-Réunion et renoncé à l’héritage moral de mon père, j’ai abandonné aussi la religion des Européens. Je suis revenu aux croyances de mes ancêtres maternels. Les fady des Betsimisaraka, après tout, ne sont pas plus absurdes que les pénitences et les abstinences des catholiques. Un sikafara vaut bien une messe, qu’en pensez-vous ?
Villebois, interloqué, ne répondit rien. L’autre continua :